Salut, je m’appelle Maé, j’ai dix-sept ans ans, j’habite à La Chaux-de-Fonds.
L’art pour moi, c’est tout et rien. Ça dépend de la personne, de ce qu’elle a envie de montrer. C’est un moyen d’expression.
Aujourd’hui, j’ai rendez-vous avec une œuvre d’art de Barbezat-Villetard, à La Chaux-de-Fonds. Tu viens?
MAÉ: Je marche un peu dans la rue. On est dans la rue de l’Avenir, juste en dessous de l’École d’art et à côté de la synagogue. C’est un petit coin très sympa. Vu qu’on est à côté de l’École d’art, ça ne m’étonne pas du tout qu’il y ait une œuvre d’art ici. On arrive à la voir depuis depuis en dessous. On est sur une rue en pente, à côté de la synagogue. Et on voit que la sculpture joue avec cette pente qu’on a dans les rues de La Chaux-de-Fonds. Ça ressemble un peu à un tremplin; les bancs, les tables sont orientés en fonction de la pente pour que tout soit droit. Donc je pense que l’œuvre vise à rappeler ça dans ce coin-là.
Voilà, je suis à côté de l’œuvre. On voit une grande plaque en béton, qui comporte une sorte de petit banc ou d’un petit endroit où s’asseoir. Cette plaque en béton a l’air de tenir un peu dans le vide: on ne sait pas trop sur quoi elle tient. Des calculs d’architectes ont dû être faits, parce que chaque fois que je passe devant, je me demande: “Mais comment ça tient ce machin”? Il y a aussi une une plaque de métal mat, qui fait pas miroir. Je contourne un peu l’œuvre, pour la voir un peu mieux. J’arrive maintenant à voir qu’il y a des dessins sur le sol en bois et puis une autre sorte de de sol, en béton avec du gravier à l’intérieur. On peut voir du coup que les petits bancs dont je parlais, sont plutôt bas. Il y en a deux; ils sont de forme un peu arrondie, comme des lunes. La plaque en métal divise l’un des deux en deux.
On peut remarquer aussi que cette œuvre suit l’orientation des maisons de la Chaux-de-Fonds, qui est calculée pour qu’il y ait de la lumière le plus longtemps dans la journée. L’œuvre est dirigée justement côté lumière, à part du côté de la plaque de métal ou le petit bout du banc est dans l’ombre. Ça fait penser à une lune jour/nuit: il y a cette opposition.
C’est une œuvre d’art un peu spéciale; moi, je ne l’avais jamais prise pour une œuvre d’art, même si je suis déjà passée plusieurs fois devant. L’installation a l’air d’être plus un endroit où on peut se poser. Un espace où les élèves de l’École d’art peuvent venir manger ou se poser pour profiter du soleil. Vu que toute la rue est ouverte et qu’on a droit le soleil devant nous.
Je vais maintenant lire la notice pour voir si ça me donne des indices. Il s’agit d’une sculpture de Matthieu Barbezat et Camille Villetard. Elle s’appelle Le Plateau. Elle date de 2020. Elle est réalisée en béton, en bois et en acier chromé brossé. Elle fait 638 x 638 x 75 cm.
Le titre représente bien l’œuvre, parce que c’est vraiment un plateau. Ça me fait penser au Haut plateau… en Suisse, je crois que c’est le Jura qui comporte un haut plateau. Comme c’est le canton juste à côté, il y a peut-être un rapport géographique… C’est la première chose à laquelle ça m’a fait penser… le fait qu’il soit un peu en hauteur, ça m’a fait vraiment penser à ça.
Je vais maintenant poser des questions aux artistes.
MATTHIEU BARBEZAT: Salut Maé, c’est Matthieu de Barbezat-Villetard. Je vais tenter de répondre à tes questions.
MAÉ: “Le Plateau”: pourquoi ce titre? Est ce que ça fait référence au Haut plateau, comme je l’imaginais, ou pas du tout?
MATTHIEU BARBEZAT: Pas vraiment non. C’est un titre de libre appropriation. En fait, on s’est inspiré du damier, du plan d’urbanisme de reconstruction de la ville et on a surélevé une parcelle imaginaire. En fait, elle se projette comme un tapis volant ou comme un plateau qui serait amené à être déplacé.
MAÉ: Pourquoi le mur en acier est-il posé ainsi, coupant un banc? C’est un peu comme s’il délimitait ou constituait une barrière…
MATTHIEU BARBEZAT: En fait, la structure de la pièce crée différents moments, de la même manière que la diversité des matériaux utilisés pour le faire. On les a choisis en lien avec le schéma de la proxémie d’Edward T. Hall, qui est une théorie des distances de la sphère publique et privée. Et, si tu veux, plus tu es à l’extérieur du plateau, plus les matériaux que l’on a utilisés sont d’apparence froide et dure, comme le béton justement. Puis on passe par le bois et on arrive à l’EPDM qui est un caoutchouc mou.
Bien sûr, tous les matériaux utilisés ont été pensés pour l’extérieur. Une douceur toute relative donc!
MAÉ: Est-ce que c’est une œuvre d’art qui invite les gens à venir dessus pour en profiter?
MATTHIEU BARBEZAT: En effet, c’est une invitation. On l’appelle d’ailleurs “Espace culture”. “Le Plateau”, il offre deux types d’expériences aux promeneurs et aux habitants du quartier. Ils peuvent choisir d’être spectateurs de l’œuvre, de la contempler avec du recul, en s’installant sur un banc par exemple. Deuxième possibilité, ils peuvent décider de participer, d’en être acteurs et d’y prendre place. Du coup, la contemplation est inversée et le regard est davantage porté sur la ville.
MAÉ: Par rapport à l’acier qui est posé au milieu de cette œuvre: pourquoi avoir décidé qu’il soit mat et qu’il ne reflète pas du tout les formes, les couleurs, mais seulement la lumière? Qu’est ce que vous pensiez évoquer en faisant ça?
MATTHIEU BARBEZAT: C’est un écran réfléchissant en acier chromé brossé. Il capte les atmosphères, les ambiances, il les rediffuse. Sensible aux conditions météorologiques, il n’est jamais tout à fait pareil. Sa forme et sa position font une sorte de parabole de l’aiguille du temps.
MAÉ: On est dans une cité horlogère et il y a ces formes un peu arrondies, comme des demi-lunes à plusieurs endroits. Est-ce que c’est un rapport avec la montre, avec des cadrans?
MATTHIEU BARBEZAT: Bien vu. Nous avons été invités à proposer cette intervention pour le dixième anniversaire de l’inscription de l’urbanisme horloger sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Donc toutes les formes sont pensées en lien avec la ville de la Chaux-de-Fonds, mais aussi avec les montres. Les dimensions ont été calculées avec les proportions du Modulor, du Corbusier. Et comme tu l’as dit, on retrouve la forme de l’écran, maison a aussi le damier. Et puis, comme on en a parlé juste avant, on rejoue aussi l’aiguille. Donc tout est là.
MAÉ: Vous êtes deux: est-ce que vous travaillez toujours ensemble? Ou bien c’était une fois pour faire cette œuvre d’art?
MATTHIEU BARBEZAT: Oui, on travaille toujours ensemble, depuis 2014.
Bon, ciao Maé et bonne suite à toi!
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“ART’S COOL autrement dit “Art is cool”!
C’est un rendez-vous avec une œuvre d’art contemporain suisse regardée, expertisée et questionnée par des jeunes gens auxquels répond à sa façon l’artiste qui a réalisé l’œuvre. C’est simple, non?
Durant cette deuxième saison, notre podcast vous invite à des explorations hors des lieux habituels d’exposition, le plus souvent en plein air! Chaque semaine, ou presque, nous découvrons ainsi ensemble une création artistique située dans l’espace public quelque part en Suisse.
Aujourd’hui, il a été question de l’œuvre Le Plateau de Barbezat-Villetard, examinée par le regard curieux de Maé. Ne manquez pas d’aller découvrir en vrai l’œuvre dont il était question dans la rue de l’Avenir, à La Chaux-de-Fonds.
Collectionnons l’art contemporain avec nos oreilles! Le site artscool.ch rassemble tous les épisodes diffusés depuis l’automne 2021. Une collection variée et grandissante! Vous y trouverez aussi les portraits des jeunes aficionadas et aficionados d’art contemporain, les mini bio des artistes interviewés ainsi que les photos des œuvres.
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Le podcast ART’S COOL est réalisé et diffusé grâce au précieux soutien de la Loterie Romande, du Pour-cent culturel Migros, de la Fondation Oertli, de la Fondation Sandoz, des cantons d’Argovie, Bâle-Ville, Berne, Glaris, Grisons, Obwald, Saint-Gall, Soleure, Thurgovie, Valais, Vaud, Zoug et Zurich, ainsi que des villes de Genève, Winterthur, Yverdon-les-bains, Zoug et Zurich.
Avec les voix de Florence Grivel pour la version française et de Stephan Kyburz pour la version allemande.
Musique et habillage sonore par Christophe Gonet.
C’est une production Young Pods.