Hello je m’appelle Lala, j’ai dix-huit ans, j’habite à Rolle.
L’art pour moi c’est plein de choses différentes; c’est plus un moyen de communiquer quelque chose que de signifier, dans le sens où c’est pas faire quelque chose pour montrer mais pour transmettre.
Aujourd’hui, j’ai rendez-vous avec une œuvre d’art d’Étienne Krähenbühl à Yverdon, qui se trouve près du théâtre Benno Besson.
Donc là on est à Yverdon devant le théâtre. Et puis je crois que l’œuvre se situe juste à droite sur un rond-point. Le théâtre est hyper rococo; je ne sais pas si c’est du vrai vieux ou du faux. Du coup ça contraste vachement avec l’œuvre qui se trouve juste devant moi. On est devant le rond-point où il y a l’œuvre d’Etienne Krähenbühl. C’est beaucoup de blocs de béton disposés en cercle et en une structure pyramidale; chaque bloc est sur une tige en métal.
Vu que les les blocs sont usés par le temps et l’eau, il y a quelque chose qui évoque un peu le passé, avec les tiges qui sont rouillées par l’eau. Là, il n’y a pas d’eau parce que c’est momentanément en panne. Mais ce serait intéressant de voir ce que ça donne… et par où elle sort l’eau. Et si ça coule sur les blocs… et comment ça interagit avec la structure. Puis, il y a aussi des lumières; donc la nuit ça doit être quelque chose d’autre, ça doit avoir une autre atmosphère.
Je lis la notice: l’œuvre d’Étienne Préambule s’appelle “O/2000”, elle date de 2000. Il s’agit d’une fontaine en fer patiné et en acier inoxydable.
C’est pas du béton, c’est pour ça qu’il y a de la rouille dessus en fait: c’est plus logique. Je me demande s’il y a un rapport avec la ville d’Yverdon qui a un passé industriel et ouvrier. Plus on regarde, moins c’est stable. C’est comme si c’était en vie et que ça bougeait un peu, même si c’est des matériaux très figés et durs. Il y a à nouveau cette notion d’instabilité qui ressort.
Du coup, j’en profite pour poser des questions à l’artiste.
ÉTIENNE KRÄHENBÜHL: Salut Lala, je vais tenter de répondre à tes questions.
LALA: Vu qu’il n’y a pas d’eau, je me demandais comment vous aviez imaginé l’interaction entre l’eau et les pierres.
ÉTIENNE KRÄHENBÜHL: Imagine-toi au cirque, les jongleurs tenant de grandes tiges mettent des assiettes en mouvement. Dans l’espace, tu transposes les jongleurs par des buses situées sur un axe qui propulse de l’eau dans un mouvement oscillatoire. L’eau gicle le dessous des cubes et les met en mouvement. L’eau s’échappant dans les espaces entre les cubes crée des formes vivantes et aléatoires. Je recherche dans mon travail la respiration, le souffle et le mouvement.
LALA: La rouille, c’était un effet visuel prévu?
ÉTIENNE KRÄHENBÜHL: La rouille est comme une écriture du temps sur la matière, le temps qui fait, le temps qui passe. Le cube est un support, comme une page blanche où l’on l’écrit, où le temps inscrit son passage à travers la rouille. La rouille a été un déclencheur dans mon travail. Depuis l’âge de seize ans, je récupérais déjà tout ce qui traînait pour en faire des sculptures, pour en faire des objets. Et la rouille est comme les pigments pour le peintre… Pour moi, c’était vraiment mon mode d’expression le plus cher.
LALA: Le titre est assez mystérieux… Zéro ou O deux mille (O/2000)?
ÉTIENNE KRÄHENBÜHL: Effectivement, O/2000 c’est O comme de l’eau et c’est aussi O comme un cercle qui pourrait traduire le rond point où se situe la sculpture-fontaine. Le désir de la ville d’Yverdon, c’est de se tourner vers le lac, vers l’eau, alors que la ville a été construite avec son château, ses murailles, une cité médiévale et centrée plutôt comme un cocon qui protège.
Il ne faut pas oublier qu’il y a eu le remaniement des eaux qui a changé la ville. L’eau était beaucoup plus proche qu’actuellement. Et, la ville, la municipalité, désirait retrouver dans ce nouveau millénaire une philosophie de la ville qui se dirige vers l’eau. À Yverdon, il y a les centres thermaux et il y a toute cette partie que l’expo 02 a remis en valeur: ce contact avec des plages et des espaces particuliers. À l’époque, il y avait l’hippodrome qui était assez fantastique comme espace.
Dans mon travail, je voulais d’une part que l’élément de l’eau soit principal. Et pour qu’il soit principal, il fallait créer un socle. Le problème, c’est que les fontaines marchent quelques mois par année et que la plupart du temps, elles ne fonctionnent pas. Donc ce socle devait rester intéressant, même durant les périodes où la fontaine ne fonctionnait pas.
LALA: Cette structure un peu pyramidale mais en même temps ronde est-ce que ça fait référence à quelque chose?
ÉTIENNE KRÄHENBÜHL: L’idée, c’était de faire un socle assez discret pour qu’on puisse lire l’expression du bâtiment qui à l’époque s’appelait le casino. Tu appelles ça rococo? C’est vrai que c’est c’est un bâtiment baroque, ancien et maintenant restauré. On l’aime ou on ne l’aime pas, mais il est imposant. Ce casino s’est transformé en théâtre. Il a même été dédié à l’acteur, réalisateur et homme de théâtre Benno Besson. Donc l’idée était d’avoir un socle qui laisse la lecture de ce bâtiment absolument intègre. Ne pas avoir un objet qui entre en rivalité avec le bâtiment, mais plutôt par sa singularité, qui puisse mettre en valeur le bâtiment et mettre en valeur l’eau.
LALA: J’ai dit avant que ça avait peut-être un rapport avec le passé d’Yverdon qui était une ville industrielle: est-ce que ça a un rapport avec ça ou pas du tout?
ÉTIENNE KRÄHENBÜHL: C’est vrai que la ville d’Yverdon, ouvrière, a développé beaucoup de machines, des machines à écrire par exemple. Et on peut imaginer une espèce de machine avec les touches d’un clavier imaginaire pyramidal. Au niveau de la construction de l’objet, il y a quand même cinq cents cubes qui pèsent dix kilos pièce, les morceaux proviennent de traverses de chemin de fer qui ont été aplanies avec des presses de cent tonnes, puis coupées pour obtenir des formes carrées et ensuite soudées ensemble pour ensuite finalement être posées sur des tiges.
J’espère que j’ai répondu à tes questions. Je te remercie de t’intéresser à l’art contemporain, Lala.
Bonne suite à toi!
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“ART’S COOL autrement dit “Art is cool”!
C’est un rendez-vous avec une œuvre d’art contemporain suisse regardée, expertisée et questionnée par des jeunes gens auxquels répond à sa façon l’artiste qui a réalisé l’œuvre. C’est simple, non?
Durant cette deuxième saison, notre podcast vous invite à des explorations hors des lieux habituels d’exposition, le plus souvent en plein air! Chaque semaine, ou presque, nous découvrons ainsi ensemble une création artistique située dans l’espace public quelque part en Suisse.
Aujourd’hui, il a été question de O/2000 d’Étienne Krähenbühl, examinée par le regard curieux de Lala. Ne manquez pas d’aller découvrir en vrai l’œuvre dont il était question à Yverdon-les-Bains, sur le giratoire à l’intersection de l’avenue Haldimand et de la rue du Casino.
Collectionnons l’art contemporain avec nos oreilles! Le site artscool.ch rassemble tous les épisodes diffusés depuis l’automne 2021. Une collection variée et grandissante! Vous y trouverez aussi les portraits des jeunes aficionadas et aficionados d’art contemporain, les mini bio des artistes interviewés ainsi que les photos des œuvres.
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Avec les voix de Florence Grivel pour la version française et de Stephan Kyburz pour la version allemande.
Musique et habillage sonore par Christophe Gonet.
C’est une production Young Pods.