Salut, je m’appelle Keila, j’ai quatorze ans et j’habite à la Tour-de-Peilz.
L’art pour moi, c’est quelque chose de très personnel qui permet de s’exprimer sur tous les sujets.
Aujourd’hui, j’ai rendez-vous avec l’artiste Maximilien Urfer à Sion. Tu viens?
KEILA: Je suis dans un endroit particulier, on est entouré de bâtiments; devant moi il y a comme un garage où il y a plusieurs sortes de choses. Je pense que je suis au bon endroit.
MAXIMILIEN URFER: Bonjour bonjour.
KEILA: Bonjour, enchantée, je suis Keila.
MAXIMILIEN URFER: Enchanté. Moi je suis Maximilien. Bienvenue dans ma grotte. On va fermer cette porte très lourde. Alors on y va, je vous laisse me suivre.
KEILA: L’endroit est à demi-sombre, il y a beaucoup de choses et plein de vélos.
MAXIMILIEN URFER: Si on va un peu plus loin, on arrive dans un petit espace.
KEILA: Waouh, alors ouais c’est vraiment magnifique! Je trouve qu’on s’exprime dans cet endroit! Il y a beaucoup de disques, de guitares; il y a une batterie, elle est vraiment trop cool. Il y a des pianos… ça se voit que l’artiste – qui est avec moi – a vraiment le goût de la musique.
MAXIMILIEN URFER: Je crois que je suis je suis d’accord avec toi là-dessus. Il y a plein d’instruments ici dont je ne sais pas jouer de manière professionnelle. Pour moi, ce sont des outils porteurs d’exploration à chaque fois. Et c’est bien de ne pas savoir, pour moi c’est mieux de ne pas avoir appris.
KEILA: Alors c’est vraiment intéressant parce que tu dis que tu n’es pas musicien, mais il y a énormément d’instruments de musique. Alors pourquoi tu dis que tu ne crois pas être un musicien?
MAXIMILIEN URFER: En réalité, je suis un musicien. Je ne suis même que musicien. Si tu veux, mon moteur principal, c’est la musique, la musicalité et l’improvisation. Ça, c’est les gros nœuds de toutes mes pratiques, qu’elles soient photographiques, filmiques, ou picturales. Je fais de la musique. En fait, tout touche tout le temps à la musique. Mais on parle de la musique au sens large, on parle de la musicalité. On ne parle pas du fait d’être sur une scène et de faire un concert pour pour faire plaisir à des gens, ce n’est pas du tout la même chose. C’est vraiment la musique dans ce qu’elle a de de plus essentiel, voilà. C’est pour ça qu’il y a tous ces instruments autour de nous.
KEILA: J’ai un texte devant moi qui dit que “Maximilien Urfer est comme toi, il aime la vie et parfois pas. Quand il s’ennuie et c’est souvent le cas, il met en place un nombre incalculable de stratégies pour se sentir vivant.” Alors, il me semble que c’est toi qui a l’écrit, du coup, est-ce que tu es toujours d’accord avec ça?
MAXIMILIEN URFER: Oui, oui, oui, oui, je suis toujours d’accord avec ça. En fait, je suis d’accord avec le principe de permaculture. Il y a les monocultures, puis il y a les permaculture. Quand on ne veut pas faire pousser que des concombres toute sa vie, on doit diversifier les choses. Ça permet justement de ne pas mettre une pression de dingue sur les fruits et les légumes qui vont pousser, puisque ça ne dépend pas uniquement de nous.
Donc si j’avais décidé de ne faire que de la musique, je devrais bosser comme un fou, et ça me fatiguerait assez vite, je pense, et ça me mettrait une pression de dingue. Donc ma stratégie, c’est d’en avoir plein et de pouvoir sauter d’une stratégie à l’autre quand mon mon envie et mon inspiration suivent. Je suis très attentif à ces mouvements-là et à ces courants-là. Et oui, je suis encore d’accord avec ce texte.
KEILA: Et comment débutes-tu, dans la musique ou les autres choses que tu fais, Qu’est-ce que tu as comme projet pour te lancer?
MAXIMILIEN URFER: Ça commence de manière empirique et ça commence toujours par l’ennui, en fait. La première fois que j’ai pris une guitare, c’était à huit ans et c’était sur un meuble chez ma grand-mère; à huit ans, à part regarder la télévision, je savais pas quoi faire. La télévision m’ennuyait assez vite donc je me suis dit: “il faut que je m’occupe d’une manière ou d’une autre”. J’ai pris une guitare et là ça a ouvert un petit canal qui n’a cessé de s’ouvrir de plus en plus. Trente-cinq ans après, ça donne ce que tu vois ici. Donc c’est toujours l’ennui, le départ. Je peux pas juste me contenter d’être là et d’attendre que ça passe quoi, voilà, c’est ça. L’ennui, c’est une vraie question pour moi et puis une autre vraie question qui est relative à l’ennui, c’est l’attention qu’on porte aux choses.
Et c’est aussi une volonté de se concentrer davantage sur ce qu’on a. Donc en même temps, j’explose complètement mes pratiques: je saute du coq à l’âne en faisant de la peinture, du dessin, de la contrebasse, du saxophone, du chant, des films, et j’en passe… Et en même temps j’ai besoin de me concentrer à fond sur ce que je fais maintenant. Ce sont des mouvements organiques; il suffit d’y être, de les écouter…
KEILA: Mais du coup, ici dans ce studio, elles sont où tes œuvres?
MAXIMILIEN URFER: Ce studio, c’est parc de jeux: il y a des toboggans, il y a des balançoires, il y a tout pour se mettre en pratique et pour jouer. Par jouer j’entends improviser. Donc ça c’est la présence de ces instruments ici. Et puis, au fond, il y a aussi également, tu l’auras vu, un ordinateur avec un bureau assez classique. Et là dans ce bureau-là, il y a la totalité des films que j’ai pu faire depuis trente ans maintenant. Donc une archive qui devient assez lourde en termes de poids. Il y a aussi toutes mes archives liées à la peinture.
Les œuvres sont essentiellement sur cet ordinateur actuellement. Pour ce qui concerne cette partie, puisque j’ai un autre atelier pour la peinture. Si je peignais ici, je suffoquerai. Il n’y a pas beaucoup d’aération, donc il faut faire gaffe.
KEILA: Finalement la définition de l’art pour toi c’est quoi?
MAXIMILIEN URFER: Rester en vie le plus possible dans une vie dont on a hérité organiquement. C’est le moyen d’être beaucoup plus en vie en fait, beaucoup plus réveillé par rapport à tout ce qui nous entoure. Voilà, c’est ça peut-être ma définition actuelle; je la mettrai à jour dans dix ans probablement.
KEILA: Merci beaucoup pour toutes ces réponses que tu m’as données et puis bonne suite!
MAXIMILIEN URFER: Merci beaucoup à toi.
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ART’S COOL autrement dit “Art is cool”!
C’est un rendez-vous avec une œuvre d’art contemporain suisse regardée, expertisée et questionnée par des jeunes gens auxquels répond à sa façon l’artiste qui a réalisé l’œuvre. C’est simple, non?
Durant cette troisième saison, notre podcast invite les jeunes à dialoguer avec les artistes dans leurs ateliers, quelque part en Suisse. Chaque épisode vous plonge au cœur de la création artistique à travers deux séquences complémentaires: d’abord une exploration immersive de l’atelier, puis une discussion autour d’un objet intriguant.
Aujourd’hui, Keila a rencontré Maximilien Urfer dans son atelier à Sion (Valais).
Collectionnons l’art contemporain avec nos oreilles! Le site artscool.ch rassemble tous les épisodes diffusés depuis l’automne 2021. Une collection variée et grandissante! Vous y trouverez aussi les portraits des jeunes aficionadas et aficionados d’art contemporain, les mini bio des artistes interviewés ainsi que les photos des œuvres.
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Le podcast ART’S COOL est réalisé et diffusé grâce au précieux soutien de la Loterie Romande, de la Fondation Ernst Göhner, de la Fondation Françoise Champoud, de la Fondation Leenaards, de la Fondation Oertli, de la Fondation Sandoz, des cantons de Berne, Valais, Vaud.
Interview et voix: Florence Grivel.
Musique et habillage sonore: Christophe Gonet.
C’est une production Young Pods.