Je m’appelle Inès, j’ai quatorze ans, j’habite à Cugy.
L’art pour moi c’est une façon d’exprimer ses émotions et de faire paraître notre personnalité.
Aujourd’hui, j’ai rendez-vous avec l’artiste Christian Gonzenbach dans son atelier près du CERN à Genève. Tu viens?
INÈS: Alors j’arrive dans ce quartier assez industriel près du CERN. Il y a un atelier de tapisserie… Il me semble que l’atelier de l’artiste est juste à côté. On va voir.
Bonjour!
CHRISTIAN GONZENBACH: Bonjour!
INÈS: Je m’appelle Inès, je suis ravie d’arriver dans votre atelier et de pouvoir voir vos créations.
Alors, déjà quand j’entre dans l’atelier, c’est énorme! Il y a énormément de statues, de matériaux, de différentes matières… C’est un autre monde là-dedans!
CHRISTIAN GONZENBACH: Exactement, c’est beau! Un autre monde. Voilà, bienvenue dans un monde partiellement construit par moi puisque j’interviens beaucoup sur des choses existantes qui vont être transformées, revisitées.
INÈS: Est-ce que c’est un atelier d’artiste depuis toujours? Vous, vous y travaillez depuis combien de temps?
CHRISTIAN GONZENBACH: C’est un atelier que j’occupe depuis sept ans. Quand je l’ai eu, il était vide et depuis je l’ai aménagé et occupé et là il déborde d’objets, d’outils, de machines. Il y a toutes sortes de choses que je vous laisse découvrir.
INÈS: Où est-ce que vous trouvez l’inspiration?
CHRISTIAN GONZENBACH: L’inspiration c’est un mot intéressant puisque ça veut aussi dire le contraire d’expiration. Et effectivement il y a des choses qui entrent; je pense que ce qui entre, c’est surtout des sensations ou des rencontres avec des objets qui vont donner naissance à de nouveaux objets, ou un matériau que j’aurais envie de transposer sur une autre forme, ou un procédé que j’ai envie de m’approprier. Donc, en fait, c’est beaucoup par des rencontres et des observations que mon travail se développe.
INÈS: Juste en entrant, j’ai été frappée par ces vases: on voit une explosion jaillir du vase! Comment est-ce que vous avez réussi à trouver cette idée par exemple?
CHRISTIAN GONZENBACH: Les idées c’est facile à trouver, le plus dur c’est de les matérialiser. Est-ce qu’on peut transformer une explosion, qui est un moment court, qui commence en un point très petit à qui tout à coup occupe beaucoup d’espace? Est-ce qu’on peut figer ça dans une sculpture qui est immobile? J’ai fait des tests, en coulant du métal en fusion dans des matériaux comme de l’eau, du sable, de la neige ou de la glace pour essayer de figer et essayer de créer une sorte de nuage solide.
INÈS: Votre art est presque scientifique en fait…
CHRISTIAN GONZENBACH: Les sciences s’intéressent à produire de la connaissance et je crois que par mon travail aussi, je cherche une forme de connaissance, mais une connaissance plus poétique. Une connaissance qui ne serait pas forcément objective, mais qui questionne les choses, qui questionne comment elles sont faites, comment on peut passer d’une à une autre. Et donc ça passe par des questions, des expérimentations, des observations, un peu comme un scientifique peut travailler effectivement.
INÈS: Toutes vos œuvres d’art qu’on voit ici ont-elles été faites ici?
CHRISTIAN GONZENBACH: Oui. Dans cet atelier, je peux travailler de très nombreux matériaux différents, que ce soit du bois, de l’argile, du plâtre, de la résine, mais aussi de la céramique, de l’aluminium, du bronze. Donc il y a vraiment toute une variété de matériaux et tout ce que vous voyez là a été fait ici.
INÈS: Avec quels matériaux préférez-vous travailler?
CHRISTIAN GONZENBACH: C’est comme la musique en fait, on peut écouter plein de types de musiques différentes. J’aime tous les matériaux: travailler la cire pour voir pour la voir ensuite se faire transformer en bronze, j’aime travailler l’argile pour en faire de la céramique, j’aime casser les objets pour les recoller ensuite… je crois que c’est la variété et le passage d’un matériau à l’autre qui sont fascinants.
INÈS: Parmi différents outils, il y a des casseroles! Que font les casseroles ici? On voit qu’elles sont remplies de peinture débordante, à quoi servent-elles?
CHRISTIAN GONZENBACH: Ce n’est pas de la peinture, mais de la cire qu’il y a dedans. Il y a des cires de différentes couleurs qui correspondent à des duretés différentes. Actuellement je fais des fontes de bronze, par la technique de la cire perdue; je fais des modèles en cire, coulés dans des moules en silicone et ensuite cette cire qui est toute molle, éphémère, est transformée en métal.
INÈS: Je me suis un petit peu renseignée sur vous avant de venir ici. Vous êtes né à à Genève en 1975. Vos travaux sont le résultat d’une alchimie équilibrée entre une observation quotidienne de la vie au sens large du terme, d’une curiosité insatiable, d’une imagination poétique et d’un besoin constant de renouvellement. Est-ce que vous êtes d’accord avec ce que je viens de lire?
CHRISTIAN GONZENBACH: Bon ça a l’air sympa, donc je ne peux qu’être d’accord!
INÈS: Depuis quand est-ce que vous avez commencé à vous intéresser à l’art?
CHRISTIAN GONZENBACH: J’ai commencé avant même de savoir que ce que je faisais ressemblait à de l’art. Quand j’étais adolescent, ou même avant, je fabriquais des objets, je transformais des choses, je m’appropriais une forme pour en faire une autre. Mais je n’imaginais pas que ça puisse être une activité sérieuse, voire même rémunérée, donc je ne savais pas encore que ça s’inscrirait dans cette grande famille qu’on appelle l’art aujourd’hui.
INÈS: Est-ce que vous avez une définition de l’art?
CHRISTIAN GONZENBACH: On pourrait résumer ça en disant que l’art c’est devenu mon métier, même si je n’avais jamais imaginé que ça puisse être le cas. Je crois que l’art questionne en permanence et du coup nous met dans un état de mouvement, ne nous laisse pas au repos, nous fait vaciller entre “est-ce bien?” “est-ce mal?”, “est-ce beau?” “est-ce moche?”, “est-ce que ça me touche?”, “pourquoi?”. Et toutes ces questions nous rendent un peu plus vivants je crois, c’est peut-être là-dessus que je travaille.
INÈS: Et vous, en faisant de l’art, vous avez une idée en tête depuis le départ? Et est-ce que vous réussissez vraiment à la réaliser?
CHRISTIAN GONZENBACH: Moi je ne crois pas vraiment dans cette idée que les artistes ont une idée, un message, et qu’ensuite ils vont le matérialiser pour le transmettre. J’ai l’impression que c’est une méthode plutôt publicitaire: on a envie que vous achetiez un nouveau téléphone, donc on va vous mettre des images qui vont vous donner envie d’acheter ce nouvel objet. Moi je suis plutôt dans une démarche exploratoire, même vis-à-vis de ma propre production. J’ai une intuition et je me dis: “si on mélange ça et ça, ça va peut-être donner quelque chose”. Alors je le fais et je regarde… et ça ne donne pas du tout ce que j’avais imaginé, mais peut-être ça raconte autre chose et j’écoute ce que ça me raconte. Je suis ce que je découvre et parfois ça m’emmène sur de drôles de chemins qui ne m’intéressent pas, donc je rebrousse, je reviens, je prends une autre bifurcation. Si message il doit y avoir, il apparaît tout à la fin et rarement au début.
INÈS: Merci beaucoup pour tout ce que vous nous avez dit, c’est vraiment une expérience très chouette d’avoir votre avis et d’en apprendre plus sur l’art. Merci beaucoup!
CHRISTIAN GONZENBACH: Merci à vous pour votre curiosité et vos yeux frais dans cet atelier. Merci!
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ART’S COOL autrement dit “Art is cool”!
C’est un rendez-vous avec une œuvre d’art contemporain suisse regardée, expertisée et questionnée par des jeunes gens auxquels répond à sa façon l’artiste qui a réalisé l’œuvre. C’est simple, non?
Durant cette troisième saison, notre podcast invite les jeunes à dialoguer avec les artistes dans leurs ateliers, quelque part en Suisse. Chaque épisode vous plonge au cœur de la création artistique à travers deux séquences complémentaires: d’abord une exploration immersive de l’atelier, puis une discussion autour d’un objet intriguant.
Aujourd’hui, Inès a rencontré Christian Gonzenbach dans son atelier à Genève.
Collectionnons l’art contemporain avec nos oreilles! Le site artscool.ch rassemble tous les épisodes diffusés depuis l’automne 2021. Une collection variée et grandissante! Vous y trouverez aussi les portraits des jeunes aficionadas et aficionados d’art contemporain, les mini bio des artistes interviewés ainsi que les photos des œuvres.
Si vous souhaitez contribuer au rayonnement du podcast ART’S COOL n’hésitez pas à en parler autour de vous, à vous abonner et à lui attribuer cinq étoiles sur votre plateforme d’écoute préférée. Vous pouvez aussi nous suivre sur Instagram, sur le compte young_pods.
Le podcast ART’S COOL est réalisé et diffusé grâce au précieux soutien de la Loterie Romande, de la Fondation Ernst Göhner, de la Fondation Françoise Champoud, de la Fondation Leenaards, de la Fondation Oertli, de la Fondation Sandoz, des cantons de Berne, Valais, Vaud.
Remerciements à l’Institut suisse pour l’étude de l’art (SIK-ISEA) pour les sources biographiques des artistes.
Interview et voix: Florence Grivel.
Musique et habillage sonore: Christophe Gonet.
C’est une production Young Pods.